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3 février 2011 4 03 /02 /février /2011 21:08

  Le 10 mai 1940, la France est envahie à l’endroit où la ligne Maginot n'avait pas été prolongée suffisamment : dans les Ardennes. Cette erreur stratégique est celle du maréchal Pétain, car il n'avait pas jugé nécessaire la ligne Maginot là-bas.

 

De septembre 1939 au mois de mai 1940, c'est ce qu'on apppelle la « drôle de guerre » car les attaques prévues sont ajournées. L'hiver est rigoureux, les conditions cilmatiques sont défavorables. Français et Allemands se regardent et attendent les combats. Ils disposent des mêmes forces. La victoire allemande est donc due à la tactique militaire et à une meilleure organisation.

 

La percée allemande est réalisée du 10 mai au 5 juin. Les chefs politiques et militaires voient clairement ce qui attend la France. « Notre territoire sera sans soute une fois de plus envahi ; quelques jours peuvent suffire pour atteindre Paris. » (De Gaulle) ; « la route de Paris est ouverte, la bataille est perdue » (Reynaud).

La défense est héroïque, mais impossible. Les contre-offensives du général de Gaulle à Montcornet sont efficaces, mais insuffisantes à Abbeville le 28 mai. La défense française vole en éclat, d'une manière encore pire qu'en 1871. Dans une certaine mesure, la IIIè République perd sa légitimité du fait de sa défaite. Aucun régime moderne n'a survécu en France à une défaite militaire.

 

 

Le gouvernement français décide alors de rappeler, le 18 mai 1940, le maréchal Philippe Pétain, qui était ambassadeur en Espagne en tant que vice-président du Conseil. Ce rappel au gouvernement par le président du Conseil sert à motiver les troupes et la France en plein déboire. Paul Reynaud s’appuie surtout sur le charisme de Pétain : auprès du peuple français, c'est le vainqueur de Verdun. La France et son gouvernement espèrent donc qu’il soit son sauveur, une nouvelle fois. Pétain a donc une légitimité charismatique puisqu’il est écouté et aimé des Français. De plus, il a aussi une légitimité légale. Il a été en effet choisi par le président du Conseil pour faire partie du gouvernement ; la Constitution de la Troisième République précise que le président du Conseil, c'est-à-dire Paul Reynaud, choisit lui-même les membres de son gouvernement. Il prononce un discours ce même jour :

« Le vainqueur de Verdun, celui grâce à qui les assaillants de 1916 n'ont pas passé, celui grâce à qui le moral de l'armée française en 1917 s'est ressaisi pour la victoire, le maréchal Pétain est revenu de Madrid où il a rendu tant de services à la France. Il est désormais à mes côtés comme ministre d'Etat, vice-président du Conseil. » Paul Reynaud, le 18 mai 1940 à la radio.

Paul Reynaud

 

 

 

 

Alors que la déroute de la France se poursuit, Charles de Gaulle monte dans la hiérarchie française, devenant, grâce au courage et à ses contre-offensives face à l'envahisseur, général à titre temporaire. De plus, le 6 juin 1940, Paul Reynaud, après avoir appelé Pétain, nomme De Gaulle sous-secrétaire d'Etat à la Défense nationale. Pétain et De Gaulle se retrouvent face à face dans le dernier gouvernement Reynaud. Charles de Gaulle est encore inconnu de la population mais obtient une certaine légitimité, notamment une légitimité légale puisqu’il est nommé par le gouvernement.

 

L'une des dernières rencontres entre Pétain et de Gaulle se fait le 11 juin 1940. « Vous êtes général ? Je ne vous fécilite pas. À quoi bon les grades dans la défaite. » explique Pétain à De Gaulle. Le général réplique : « Mais vous, Monsieur le Maréchal, c'est pendant la retraite de 1914 que vous avez reçu vos premières étoiles. » Ultime réponse de Pétain : « Aucun rapport. »

 

 

 

 

Le mois de juin marque un tournant dans la construction de la future légitimité de Philippe Pétain. Le gouvernement se réfugie, dans un premier temps, à Cangé (12-13 juin 1940), puis, dans la précipitation, « quitte hâtivement les bords de la Loire pour ceux de la Garonne à Bordeaux »1 le 14 juin. Trois semaines de décomposition précèdent la signature de l'armistice, que demandent Philippe Pétain et le général Weygand, mais Reynaud refuse le 16 juin 1940. Albert Lebrun propose à Philippe Pétain de former un gouvernement. Pétain acquiert donc un pouvoir immense puisqu'il lui est proposé d'être président du Conseil à la place d'un Paul Reynaud démissionnaire. Il a donc de la légitimité grâce à ce titre. Charles Maurras parle de « divine surprise ». Son premier acte est le choix de l'armistice pour soulager la France. C'est ce qu'il explique aux Français le 17 juin 1940.

 

«  Français ! À

Le maréchal Pétain le 17 juin 1940

 

 

l'appel de Monsieur le Président de la République, j'assume à partir d'aujourd'hui la direction du gouvernement de la France. Sûr de l'affection de notre admirable armée qui lutte avec un héroïsme digne de ses longues traditions militaires, contre un ennemi supérieur en nombre et en armes, sûr que, par sa magnifique résistance elle a rempli nos devoirs vis-à-vis de nos alliés, sûr de l'appui des anciens combattants que j'ai eu la fierté de commander, sûr de la confiance du peuple tout entier, je fais à la France don de ma personne pour atténuer son malheur.

 

En ces heures douloureuses, je pense aux malheureux réfugiés qui, dans un dénuement extrême, sillonnent nos routes. Je leur exprime ma compassion et ma sollicitude.

C'est le coeur serré que je vous dis aujourd'hui qu'il faut tenter de cesser le combat.

Je me suis adressé cette nuit à l'adversaire pour lui demander s'il est prêt à rechercher avec nous, entre soldats, après la lutte et dans l'Honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités.

Que tous les Français se groupent autour du gouvernement que je préside pendant ces dures épreuves et fassent taire leur angoisse pour n'écouter que leur foi dans le destin de la Patrie. »

 

 

Le but de Pétain est de remettre le pays dans le droit chemin. Cela passe, selon lui, par l'armistice. Pendant ce temps-là, De Gaulle est envoyé par Paul Reynaud à Londres, le 9 juin 1940, dans le but de représenter les intérèts français en Grande-Bretagne. Il a donc une certaine importance au sein du gouvernement de Paul Reynaud. Le 16 juin, un accord est trouvé. Il consiste à fusionner la France et la Grande-Bretagne en un seul pays. Mais ce projet, qui paraît difficilement réalisable, est voué à l'echec, avec la démission de Reynaud. De Gaulle fait vraiment bonne impression auprès de Churchill lors de leur première rencontre : « le général de Gaulle était jeune, énergique et m'avait fait une impression très favorable ».2


De Gaulle s'oppose à Pétain en ce qui concerne la suite de la guerre. L'un souhaite la continuer et le deuxième désire l'armistice. Le 16 juin, Pétain et De Gaulle échangent une dernière poignée de main sans mot, à l'hôtel Splendid. De Gaulle rejoint Londres. Il choisit donc de ne pas abandonner le combat. Le 18 juin 1940, il s'exprime par la radio aux Français pour les inciter à refuser la défaite et, implicitement, à s'opposer au gouvernement mis en place, en employant, notamment, le mot de « résistance ». Cette date restera gravée dans les mémoires ; pourtant ce discours est très peu écouté.

 

Appel du 18 juin 1940

« Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises, ont formé un gouvernement. Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s'est mis en rapport avec l'ennemi pour cesser le combat. [...]

La France n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l'Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Cette guerre n'est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances n'empêchent pas qu'il y a, dans l'univers, tous les moyens pour écraser un jour nos ennemis.

Moi, Général de Gaulle, actuellement à Londres, j'invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j'invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d'armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, à se mettre en rapport avec moi. Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas. »3

 



 

Dans son discours, de Gaulle se montre très critique à l'égard des chefs militaires qui sont responsables de la défaite. Selon lui encore, la défaite est circonstancielle, c'est-à-dire provisoire. Encore faut-il se donner les moyens pour que le retournement de situation s'effectue... De Gaulle le conçoit déjà ! Les Etats-Unis va rejoindre la Grande-Bretagne, tout comme l'URSS, car il voit dans le pacte germano-soviétique l'inéluctabilité de l'affrontement entre le nazisme et le communisme. Refusant l'asservissement et la résignation, respectant les engagements pris envers les Alliés, De Gaulle bien que dans la solitude et le dénuement, appel à poursuivre le combat.

On peut considérer que de Gaulle s'empare du pouvoir avec un micro. Il a la légitimité du micro.

Le déclage entre sa faible légitimité et l'étendue de ses ambitions posent déjà d'énormes problèmes à l'entreprise de De Gaulle. Il l'avoue lui-même : « [Je suis] un ambitieux politique et il y [a] la rencontre de la circonstance et de l'ambition. »

 

Le débat qui se secoue la France est le suivant : doit-on signer l'armistice ? Pour Pétain, qui ne voulait pas de l'armistice en 1918, et Weygand : oui. Pour de Gaulle et Reynaud : non, qui voient en l'armistice la trahison. Ainsi naît la cobelligérance française.

Pouvait-on continuer la guerre hors de France en Afrique du Nord ?

 

Pendant que De Gaulle donne naissance à la résistance, Pétain, quant à lui, signe l'armistice à Compiègne dans le wagon où l'armistice de 1918 fut signé. C'est un symbole pour l'Allemagne qui prend sa revanche et un soulagement pour Pétain qui évite le pire à la France. C'est sa première grande action en tant que président du Conseil. L'initiative de conclure l'armistice est donc légitimée, même avant la création de l'Etat français, par sa fonction de président de Conseil, et du retentissement de la conclusion de l'armistice auprès de la population française.

L'armistice est pour Pétain la seule condition du redressement national. Pour De Gaulle, il ne représente que le déshonneur, « pour qui la défaite n'est qu'une première péripétie d'un drame mondial au sein duquel la France doit continuer à jouer son rôle. Telle est l'indéfectible volonté de l'homme du 18 juin. »4


Les conditions de l'armistice sont très dures. Les clauses sont sévères et déshonorantes : territoire divisé en deux, annexion de l'Alsace-Lorraine, armée francaise réduite ou encore énorme indemnité d'occupation. Pétain explique aux Français que leur nouvelle vie sera dure dans son discours du 25 juin.

 

Discours le 25 juin 1940

« ... Les conditions auxquelles nous avons dû souscrire sont sévères...

Du moins l'honneur est-il sauf. Nul ne fera usage de nos avions et de notre flotte. Nous gardons les unités terrestres et navales nécessaires au maintien de l'ordre dans la métropole et dans nos colonies. Le gouvernement reste libre, la France ne sera administrée que par des Français.

Vous étiez prêts à continuer la lutte, je le savais. La guerre était perdue dans la métropole ; fallait-il la prolonger dans nos colonies ? Je ne serais pas digner de rester à votre tête si j'avais accepté de répandre le sang français pour prolonger le rêve de quelques Français mal instruits des conditions de la lutte. Je n'ai pas voulu placer hors du sol de France ni ma personne, ni mon espoir. »

 

Par ce discours, Pétain affirme sa volonté d'être le chef de la France dans l'épreuve qui s'offre à elle.

 

 

Pendant ce temps, de nombreux « grands hommes » refusant la défaite rejoignent De Gaulle à Londres comme Monnet, Pieven, Schuman, Palewski ou encore Cassin.

Pétain ordonne à De Gaulle de « rentrer sans délai ».

 

 

Voyant De Gaulle s'opposer aux institutions qui s'apprêtent à être crées, Pétain et son entourage décident de rétrograder Charles de Gaulle, de général à simple colonel, le 22 juin 1940. Il est donc le seul véritable adversaire de Pétain mais est inconnu de la population et isolé. Cependant le 28 juin 1940 De Gaulle reçoit le soutien de Winston Churchill le Premier Ministre anglais qui le considère comme le «chef des Français Libres » au contraire de Roosevelt président des Etats-Unis d'Amérique qui lui est plutôt hostile. « L'ardeur du général-sous-secrétaire d'Etat et sa volonté évidente de continuer la guerre plaisent à Wiston Churchill. »5 Ce pouvoir charismatique que lui accorde Churchill n'est reconnu que par les Anglais. Il n'en bénéficie donc pas en France.

 

Le 2 juillet 1940, Pétain et son gouvernement s'installent à Vichy. La ville est choisie grâce à sa capacité hôtelière, son Grand Casino pouvant servir d'Assemblée nationale et de la distance assez importante face aux contestations possibles. Pétain veut affirmer son autorité avec le déplacement de son gouvernement dans une zone qui n'est pas occupée. La France continue d'avoir un gouvernement malgré la défaite car Hitler a la volonté d'avoir un partenaire de négociation.

 

Le 3 juillet 1940 les premiers affrontements commencent entre la France et l'Angleterre à Mers el-Kébir. Une flotte française est même détruite. Même si De Gaulle était contre cette attaque, Pétain et le peuple français l'assimile à cette attaque : il est considéré comme ennemi de la nation. De Gaulle rencontre des premières diffcultés à pouvoir manifester une quelconque légitimité.

 

 

Pétain veut renforcer ses pouvoirs. C'est pourquoi un vote pour lui donner les pleins pouvoirs est réalisé le 10 juillet 1940. Le résultat est clair : 569 voix contre 80 (17 absentions).

Le 10 juillet 1940 est l'aboutissement du déclin progressif de la IIIè République.

Les parlementaires reconnaissent leur propre incapacité à assumer le destin de la France.

 

 

 

Le fait que Pétain devienne le chef de l'Etat français se situe dans la logique de la continuité avec ses actions en tant que président du Conseil. Pétain dispose de pouvoirs plus vastes que ceux de Louis XIV !6 « L'Assemblée nationale donne tous les pouvoirs au gouvernement de la République, sous l'autorité et la signature du maréchal Pétain, à l'effet de promulguer, par un ou plusieurs actes, une nouvelle Constitution de l'Etat français. Cette constitution devra garantir les droits du Travail, de la Famille et de la Patrie. Elle sera ratifiée par la Nation et appliquée par les assemblées qu'elle aura crées. »

La rupture avec la République passe inapperçue sous le choc de la défaite. Le suicide de la République est légitimée par le vote lui-même ! Aussi, Pétain prétend incarner la continuité républicaine. « À l'appel du président, j'assure... » Se cache une volonté dissimulée : « C'est vers l'avenir... Un ordre nouveau commence. » Son autorité est totale, il est le chef de l'Etat français.

 

 

Le changement de régime n'est pas prévu par l'armistice et n'est pas imposé par l'Allemagne. De plus, le vote, qui a lieu dans la presque indifférence de l'opinion publique, qui n'aspire qu'au « retour à la normale », n'est pas institutionnel. La Constitution de 1875 précise que « La forme du gouvernement ne peut faire l'objet d'une révision ». L'Etat français n'est donc pas légal ! Pétain n'accorde pas d'importance à cela. En 1916, lors de la bataille de Verdun, Pétain conseille à Poincaré de « prendre les choses en main ». Poincaré lui répond « Mais général, la Constitution, qu'est-ce que vous en faites ? » Et Pétain de répliquer : « La Constitution, oh ! moi, je m'en fous. »7


On a tendance à considérer aujourd'hui que par l'existence d'un vote découle la légitimité de Pétain. Mais une question nous vient à l'esprit ? Le 10 juillet est-il un coup d'état ? Nous estimons que non. Toutefois, on empêche Albert Lebrun de partir pour l'Afrique du Nord, alors qu'il veut continuer à combattre. D'autre part, le piège du Massalia empêche 87 passagers de rejoindre Vichy pour voter contre les pleins pouvoirs de Pétain. À cela s'ajoutent les parlementaires prisonniers, déchus de la nationalité ou encore menacés s'ils votent contre Pétain. D'ailleurs, le lendemain, les « quatre-vingts » se dispersent. Ils deviennent suspects au yeux des autorités. Certains subissent une surveillance policière, voire une incarcération (Auriol, Blum, Dormoy, Tanguy-Prigent). Il y a des assassinats suspects (Pezières, Camel).

 

 

 

Déjà quand il était enfant, Charles de Gaulle jouait avec ses frères. Ensemble, ils faisaient des batailles de soldats de plomb. Xavier, qui était tout le temps l'empereur de l'Allemagne, demande à changer ! Charles de Gaulle, qui était lui toujours le roi de France, lui répond : « Non, jamais ! Les Français sont à moi ! »

 

« Alors que les personnalités les plus trempées s'effonfrent, Pétain et De Gaulle passent à l'acte avec une audace inouïe : l'un pour renverser la République, l'autre pour en assurer la continuité dans la guerre. »8 À la fin de juin 1940, alors que la mère de De Gaulle est mourrante, celle-ci dit : « Je reconnais bien Charles. Il a fait ce qu'il devait faire. »

 

De Gaulle, condamné à quatre ans d'emprisonnement le 4 juillet 1940, obtient le statut de « premier opposant à Vichy ». Une autre voie que celle choisie par Pétain est, selon lui, possible. Alors que l'Occupation commence une lutte commence entre deux hommes complètement opposé: Pétain et De Gaulle. Cependant cette lutte est inégale car Pétain possède tout les pouvoirs en France libre alors que De Gaulle peine à avoir le soutien des alliés.

Pétain dispose des pleins pouvoirs. Il n'y a plus que de Gaulle face à lui.

 

 

 

 

 

1Voir Annexes pp 86-88 Témoignage de Michel Boivin sur les débuts du général de Gaulle (juin 1940)

2Wiston Churchill, Mémoires

3Voir aussi Annexes p. 66 - Appel du 18 juin 1940 du général de Gaulle

4Voir Annexes pp 86-88 - Témoignage de Michel Boivin sur les débuts du général de Gaulle (juin 1940)

5Voir Annexes pp 86-88 - Témoignage de Michel Boivin sur les débuts du général de Gaulle (juin 1940)

6Laval : « Connaissez-vous, Monsieur le Maréchal, l'étendue de vos pouvoirs ? Ils sont plus grands que ceux de Louis XIV, parce que Louis XIV devait se soumettre ses édits au Parlement. »

7Episode rapporté dans De Gaulle-Pétain, Le destin, la blessure, la leçon (Frédéric Salat-Baroux)

8De Gaulle-Pétain, Le destin, la blessure, la leçon (Frédéric Salat-Baroux)

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2 février 2011 3 02 /02 /février /2011 21:02

 

La légitimité est une notion liée à la science politique. Comme la science politique, la légitimité peut être étudiée selon 4 approches différentes : la sociologie politique, le droit (constitutionnel), la philosophie politique et l'étude des relations internationales.

 

La lutte pour le pouvoir est au coeur de la vie politique, mais le pouvoir varie selon les sociétés et les régimes. Avant d'évoquer la légitimité, rappelons la définition du pouvoir.

Sociologiquement, il s'agit d'une relation entre des acteurs sociaux (des individus, des groupes sociaux ou classes sociales). La relation de pouvoir s'observe quand un individu accomplit (ou s'abstient d'accomplir) conformément à la volonté d'un autre individu une action qui n'aurait pas accomplie spontanément.

 

Politiquement, c'est la capacité d'obtenir des choses et surtout des individus qu'ils se comportent comme on le souhaite, d'imposer une volonté, de faire prévaloir des objectifs, avec le recours éventuel à des moyens coercitifs »1 (sanctions et menaces de sanctions, emploi de la force physique). À la différence de l'autorité, l'exercice du pouvoir n'implique pas un consensus, même si celui-ci est recherché. Donc le pouvoir est considéré comme une relation entre des acteurs sociaux, c'est-à-dire par exemple des individus. Il est alors la capacité qu'à un individu A d'obtenir de B une action que ce dernier n'aurait pas effectuée sans l'intervention de A. A exerce un pouvoir sur B, mais B exerce en retour du pouvoir sur A.

 

D'après le droit civil, le pouvoir est une prérogative permettant à une personne de gouverner une autre personne publique ou privée ou gérer les biens d'une autre personne pour le compte de celle-ci.

D'après le droit constitutionnel, la politique est la science du gouvernement des Etats, une manière de gouverner, et l'ensemble des affaires publiques. Toujours d'après le droit constitutionnel, le pouvoir politique est celui qui s'exerce dans le cadre d'une société politique. Le pouvoir politique est une forme particulière de pouvoir qui concerne tous les membres d'une société. Il prend toute son importance dans les sociétés complexes composées de groupes sociaux aux intérêts potentiellement divergents. Ces divergences d'intérêts peuvent déboucher sur des conflits susceptibles de faire « éclater » la société. Pour Max Weber, le pouvoir politique, c'est le monopole de la « violence légitime », c'est-à-dire la violence symbolique (ex. redressement fiscal, police, justice, armée) nécessaire au bon fonctionnement de la société ; elle implique l'acceptation collective d'une autorité.



Tout pouvoir politique nécessite, réclame et revendique sa légitimité. C'est donc le cas de Philippe Pétain et de Charles De Gaulle pendant l'Occupation.



Dans cette partie nous définissons quelques notions que nous détaillerons et mettrons en application plus tard dans le duel de légitimité entre Pétain et de Gaulle.

D'une manière générale, la légitimité se définit comme la « qualité de ce qui est accepté et reconnu par les membres d'une société »2. Dans un premier sens, c'est ce qui est admis par la loi. Dans un second sens, c'est ce qui est « fondé en raison »3. D'où on tient ses pouvoirs en bref.

La légitimité est la capacité qu'a un pouvoir à se faire accepter par les individus sur lesquels il s'exerce. Pour être légitime, un pouvoir doit donc s'appuyer sur les croyances, les valeurs et les normes du groupe. Plus le pouvoir est légitime, plus ses actions semblent justes aux yeux des individus sur lesquels il s'exerce, plus ces individus obéissent « spontanément » et plus ce pouvoir peut s'exercer sans recourir à la contrainte.

Les représentants du pouvoir qui y accèdent respectent des procédures (comme le mode d'élection) . Ils sont acceptés par tous et ont légitimement le droit d'exercer un pouvoir (délimité par la loi) sur les membres de la société. Ce pouvoir n'est pas accordé une fois pour toutes par la population, et de nouvelles élections viennent régulièrement réactiver la légitimité du pouvoir politique.

 

 

La légitimité a aussi une approche selon les quartre composantes de la notion de science politique : d'après la sociologie politique, le droit (constitutionnel), la philosophie politique et l'étude des relations internationales.



D'après la sociologie politique

La sociologie est la branche des sciences humaines qui cherche à comprendre et à expliquer les comportements humains en société ; la sociologie politique est donc la branche de la sociologie qui analyse les relations de domination entre humains, c'est-à-dire les rapports sociaux à caractère politique (idéologies, partis...). La légitimité peut être définie par rapport à la sociologie politique : c'est dans le cas où les individus reconnaissent tel ou tel homme politique et le soutiennent. C'est la légitimité vis-à-vis du peuple. La légitimité découlant de la sociologie politique est étroitement liée à la domination charismatique que décrit Max Weber4.



D'après le droit (constitutionnel)

Le droit est l'ensemble des règles régissant la vie en société. Différents sous-ensembles correspondent à un domaine de la législation : droit civil, droit pénal, droit international, droit commercial, droit des affaires, droit du travail, droit public, droit privé. Ainsi le droit constitutionnel est une branche du droit public (l'ensemble des règles régissant les rapports de droit dans lesquels interviennent des personnes morales de droit public comme l'Etat, les banques, les institutions).

 

Le droit constitutionnel traite des règles relatives à l'organisation et au fonctionnement de l'Etat, du gouvernement, du parlement, des institutions. Il organise la séparation des pouvoirs. C'est un rempart contre l'arbitraire du pouvoir politique.

 

Le droit constitutionnel définit la légitimité comme la « qualité d'un pouvoir d'être conforme aux aspirations des gouvernés (origine, forme...), ce qui lui vaut l'assentiment général et l'obéissance spontanée ».5 On distingue de plus la légitimité démocratique (qui repose sur des élections) et la légitimité monarchique (qui repose sur l'hérédité).

 

 

D'après la philosophie politique

La philosophie politique est la « branche de la philosophie qui étudie les questions relatives au pouvoir politique, l'Etat, le gouvernement, la loi, la politique, la paix, la justice ».6 La science politique est inséparable de la philosophie politique. La réflexion sur le pouvoir est au centre de la philosophie politique (Platon, Aristote, Bodin). Comment une personne peut-elle gouverner un Etat ? À quelles conditions ? Qu'est-ce qui rend philsophiquement légitime le pouvoir ? Dans le cas Pétain/De Gaulle, nous n'avons pas voulu développer beaucoup cette partie.

 

 

 

D'après l'étude des relations internationales

C'est la façon dont se perçoivent les Etats entre eux. Dans l'exemple Pétain/De Gaulle, c'est par exemple la réaction des chefs d'Etat : Churchill reconnaît de Gaulle ; Hitler choisit Pétain. C'est aussi simple que cela !

 

Max Weber

À cette notion de légitimité s'ajoutent les définitions énoncées par des sociologues. De tous les politologues, sociologues, juristes ou philosophes, c'est Max Weber qui nous éclaire le mieux sur la question de légitimité.



Max Weber (1864-1920), d'origine allemande, est un des fondateurs de la sociologie, et plus particulièrement de la méthode de sociologie compréhensive.

Le Savant et le Politique est un livre de Max Weber qui est composé des conférences données par celui-ci à l'université de Munich en 1919, et regroupées en deux parties : La Vocation de Savant et La Vocation de Politique.

Weber définit la légitimité comme la reconnaissance du droit des gouvernants d'utiliser la violence comme instrument de pouvoir. Il voit l'Etat comme principe de domination de l'homme par l'homme. Le principe de légitimation sert, selon lui, à justifier auprès du dominé son état d'obéissance devant le dominateur, ustifier le comportement instinctif des individus.

 

 



Les trois types de légitimité du pouvoir selon Max Weber

 

Comme tous les groupements politiques qui l'ont précédé historiquement, l'Etat consiste en un rapport de domination de l'homme sur l'homme fondé sur le moyen de la violence légitime. L'Etat ne peut donc exister qu'à la condition que les hommes dominés se soumettent à l'autorité revendiquée. Les questions suivante se posent alors. Dans quelles conditions se soumettent-ils et pourquoi ? Sur quelles justifications internes et sur quels moyens externes, cette domination s'appuie-t-elle ?

Il existe en principe, nous commencerons par là, trois raisons internes qui justifient la domination, et par conséquent il existe trois fondements de la légitimité.

Tout d'abord, l'autorité de l'« éternel hier », c'est-à-dire celle des coutumes sanctifiées par leur validité immémoriale et par l'habitude enracinée en l'homme de les respecter. Tel est le « pouvoir traditionnel » que le patriarche ou le seigneur terrien exerçaient autrefois.

En second lieu, l'autorité fondée sur la grâce personnelle et extraordinaire d'un individu (charisme) ; elle se caractérise par le dévouement tout personnel des sujets à la cause d'un homme et par leur confiance en sa seule personne en tant qu'elle se singularise par des qualités prodigieuses, par l'héroïsme ou d'autres particularités exemplaires qui font le chef. C'est là le pouvoir « charismatique » que le prophète exerçait, ou – dans le domaine politique – le chef de guerre élu, le souverain plébiscité, le grand démagogue ou le chef d'un parti politique.

Il y a enfin l'autorité qui s'impose en vertu de la « légalité », en vertu de la croyance de la validité d'un statut légal et d'une « compétence » positive fondée sur des règles établies rationnellement, en d'autres termes l'autorité fondée sur l'obéissance qui s'acquitte des obligations conformes au statut établi. C'est là le pouvoir tel que l'exerce le « serviteur de l'Etat moderne », ainsi que tous les détenteurs du pouvoir qui s'en rapprochent sous ce rapport.

 

Max Weber, Le Savant et le Politique

 

 

 

 

 

Max Weber distingue trois types de légitimité.



La légitimité traditionnelle repose sur le respect des traditions. On obéit par tradition au roi, au seigneur, au chef de tribu. Les ancêtres ont transmis le pouvoir, il faut être le reflet des ancêtres. La personne qui détient cette légitimité a comme des ascendances divines, un caracète sacré. Il reçoit un héritage, comme le roi et le droit divin qui forme un fondement de la légitimité.

C'est par exemple un roi, un pharaon.

 

La légitimité charismatique est fondée sur la reconnaissance par la société du caractère exceptionnel du chef qui lui permet de se distinguer des autres individus de la société. Cette légitimité repose sur la reconnaissance des gouvernés des qualités supérieures à la moyenne d'un individu qui autorisent l'appartenance à l'élite. Le rayonnement individuel implique le respect du chef. Cette légitimité a toujours existé que ce soit dans la société féodale ou la société contemporaine, et les individus qui l'incarnent sont le plus souvent des personnalités qui vont par la suite acquérir une légitimité légale comme Napoléon ou de Gaulle. On les compare à des héros ! On est subjugué par leur comportement ; ils ont une autorité exceptionnelle. Ce sont des personnes facilement écoutées, par la voix, le physique, les idéeaux qu'ils représentent. Ils n'ont pas besoin de se fâcher pour se faire respecter. C'est l'exemple d'Hitler, Mussolini, César. Il y a différents critères subjectifs donc pour définir le charisme, pouvant être de nature religieuse (prophète), politique (chef de guerre, souverain plébiscité, chef de parti).

 

La légitimité légale-rationnelle se fonde sur la compétence et la validité du statut. La légitimité s'appuie sur des lois et des règles impersonelles. Elle organise le fonctionnement du pouvoir politique. Cela conduit à une domination de l'Etat et celle de l'organisation bureaucratique. Leur autorité est légitime. C'est, pour résumer, le respect de la loi, l'appui sur des règles (quelqu'un d'élu, de désigné). L'exigence de légitimation dépend de la loi et/ou de la Constitution selon Max Weber pour la légale rationnelle. La légitimité rationnelle s'enracine dans l'Etat de droit. C'est aussi valable pour la personne qui fait correctement son travail, comme le gendarme, le vigile, le préfet, l'arbitre. Elle allie le droit et la compétence de la personne qui a ce poste.

La domination rationnelle-légale repose sur la légalité et le bien-fondé des règles régissant une institution ou une instance de la société. Dans ce cas, le pouvoir est lié à la fonction, et non à la personne.

 

La domination est le fait d'avoir le pouvoir sur quelque chose, d'imposer durablement sa volonté à autrui. Cette notion relationnelle unit deux agents : dominant / dominé. La domination peut être exercée par une personne ou un groupe soit à l'encontre de la volonté du peuple (dictature), soit au nom du peuple (démocratie).

 

 

 

Les fondements de la légitimité sont donc sociologiques. D'autres sociologues ont eux-mêmes défini la légitimité. Il s'agit, par exemple, de Michel Crozier, Karl Marx ou encore de Pierre Bourdieu.

Des sociologues contemporains comme Bourdieu, influencés à la fois par Marx et Weber, replacent la légitimité dans le cadre de rapports de domination entre groupes sociaux.

Michel Crozier donne une autre définition de la légitimité. Selon lui, à chaque fois qu'un individu possède un savoir ou des connaissances, alors il est en mesure d'exercer un pouvoir sur les autres. C'est le cas d'un maître d'école, d'un médecin. C'est une approche différente de celle de Weber.













Il existe une multitude de termes connexes à la légitimité.



La notion de légitimité implique celles de légalité et d'autorité. Le passage de la légitimité à la légalité est complexe. La légalité désigne ce qui est conforme à la loi. La légitimité est la perspective d'où se place le titulaire du pouvoir ; la légalité est la perspective d'où se place le sujet. La loi rassemble les règles émanant d'une autorité souveraine (le pouvoir législatif) ; le non-respect de ces règles entraîne une sanction. Aussi, un pouvoir peut être légitime, mais ses actions peuvent sortir de la légalité.

 

En droit administratif, la légalité est le principe fondamental de l'action administrative, déduit du libéralisme politique, à titre de garantie élémentaire des administrés, et selon lequel l'Administration ne peut agir qu'en conformité avec le Droit, dont la loi écrite n'est qu'un des éléments. En droit pénal, la légitimité est le principe selon lequel tout acte constituant un crime ou un délit doit être défini avec précision par la loi ainsi que les peines qui lui sont applicables. Pour ce qui est des contraventions, leurs définitions relèvent, depuis la Constitution de 1958, ou domaine réglementaire.

 

 

Légalité et légitimité forment un couple, car ces deux notions sont présentées ensemble et donc confondues. Il existe pourtant une ligne de démarcation entre la légalité et la légitimité. La légalité se distingue de la légitimité qui a un sens plus large et peut aller au-délà de ce qui est légal : la légalité d'un pouvoir est sa conformité avec la loi. On peut vérifier sa constitutionnalité. Est légal ce qui « est autorisé par le droit positif existant, ce qui est conforme au texte de loi ; est légitime ce qui est et doit être reconnu comme juste par tous dans une formation socio-politique déterminée. »7

La légitimité du pouvoir est plus délicate à définir et à vérifier. C'est le sentiment d'adoption du peuple. Il dépend donc des modalités d'attribution du pouvoir et de son exercice.

 

Si, dans les démocraties, légalité et légitimité coïncident souvent, des exemples dans l'histoire de France prouvent que les deux notions ne se recouvrent pas toujours : Louis Napoléon Bonaparte a justifié le coup d'Etat de décembre 1851 en affirmant qu'il n'était sorti de la légalité que pour entrer dans la légitimité.

La légitimité a donc un sens large que la légalité.

 

 

 

L'autorité désigne la capacité dont dispose un individu détenteur de pouvoir pour se faire respecter ou obéir sans utiliser directement la violence. L'autorité est une forme particulière de pouvoir qui ne repose pas sur la violence ou la contrainte, mais sur la reconnaissance, par l'individu qui obéit, des qualités de la personne à laquelle il obéit. Dans une relation d'autorité, l'obéissance est ainsi obtenue « spontanément », même si la crainte d'une sanction est toujours présente. Elle se distingue également de la persuasion qui suppose une relation d'égalité entre eux à se ranger aux arguments de l'autre.


Dans la société démocratique, l'autorité repose fondamentalement sur la compétence. En faisant ses preuves dans son domaine, un individu va acquérir une autorité qui lui permettra d'obtenir des autres un comportement qu'il juge approprié, sans être obligé d'exercer de violences.

 

Il ne faut pas confondre autorité et autoritarisme. L'autoritarisme emporte rarement l'adhésion et repose sur des sanctions.

 

L'autorité confère toujours une légitimité, mais un pouvoir légitime peut manquer d'autorité. Ce serait le cas d'un gouvernement démocratiquement élu, mais qui aurait perdu la confiance des citoyens.

 

 

 

 

Il existe plusieurs formes de pouvoir selon les modes d'organisation et de dévolution du pouvoir. La légitimité dépend donc du type de régime politique en place. Dans une démocratie, elle se fait par la tenue d'élections. Dans une gérontocratie n'est pas légitime le détenteur du pouvoir qui n'est pas considéré comme faisant partie des « anciens ». De même, dans une théocratie, la légitimité provient de la religion.

 



 

On peut enfin considérer que la légitimité est le produit de trois pôles. Dans un premier temps, c'est la loi fixe la légitimité du pouvoir. Dans un deuxième temps, c'est la « la raison qui précise le champ intellectuel hors duquel le pouvoir ne peut être légitime. »8 Le pouvoir n'est légitime que dans la mesure où il est raisonné, c'est-à-dire sur le bon sens. Le pouvoir déraisonnable est illégitime. Le caractère raisonnable est lié aux normes sociales acceptées par une communauté ; il est donc relatif et subjectif. Dans un troisième temps, la justice et l'équité constituent le pôle éthique du pouvoir. Un pouvoir légitime se devrait d'être juste et équitable.

 

 

 

Un pouvoir fondé en droit peut être légitime, et être déraisonné. Un pouvoir fondé en raison peut être illégal.

 

La légitimité ne se fonde pas uniquement sur le droit, mais met en oeuvre d'autres critères : les origines, la richesse, le statut, les titres, les appuis, la connaissance, la puissance.

 

 

La légitimité s'acquiert mais peut se perdre.

 

Le pouvoir est l'objet d'une étude philosophique, sociologique, politologique. La légitimité est donc également l'objet d'une étude du point de vue sociologique et surtout politique.

 

Les mécanismes et les domaines de la légitimité sont considérés différemment.

 

Les différentes types de légitimité peuvent se combiner et évoluer d'un type à l'autre.

 

 

 

En bref, si le pouvoir est une notion souvent ambiguë, la légitimité l'est davantage. Cette dernière semble être une notion facile à définir sous une approche théorique. Pourtant, dans la pratique, la diversité des sources de la légitimité font que la légitimité est une notion difficile à établir strictement. Elle explique également les nombreux conflits de légitimité qui ponctuent l'histoire. Le cas du maréchal Pétain et du général de Gaulle pendant l'Occupation est un des plus passionnants.



1Dictionnaire de d'Economie et de Sciences sociales (Nathan)

2Dictionnaire de d'Economie et de Sciences sociales (Nathan)

3Dictionnaire « Larousse »

4Voir page 12 (Paragraphes concernant la légitimité définie par Max Weber)

5D'après le Lexique de Termes juridiques de R. Guillon et J. Vincent

6D'après Wikipédia

7D'après http://sylvainreboul.pagesperso-orange.fr/leg.htm

8« Pouvoir et légitimité » (document Internet), Jacques Rodet

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1 février 2011 2 01 /02 /février /2011 20:05

 

Philippe Pétain (1856-1951) et Charles de Gaulle (1890-1970), hormis la conséquente différence d'âge, ont suivi plus ou moins le même parcours. Ce sont tout deux des personnes dont les idées politiques se situent à droite. Tout deux sont des militaires, qui sont passés par l'école de Saint-Cyr.

 

Seulement en 1940, si l'on place ces deux hommes face à la pente à gravir, au sommet à atteindre, à la montagne qu'il faut surmonter, on trouve Pétain en haut de la pente avec une importante longueur d'avance et de Gaulle au tout début. De Gaulle n'est qu'un général deux étoiles, tandis que Pétain est un maréchal cinq étoiles. Le maréchal Pétain s'empare du pouvoir, notamment car il dispose d'un renommée impressionnante. De Gaulle en est très loin, mais de 1940 à 1944, il monte doucement dans l'estime des Français et double le maréchal Pétain.

 

 

 

Le statut et la fonction confèrent du pouvoir (c'est le cas d'un professeur, d'un chef d'entreprise), mais cela ne suffit pas. Il est nécessaire que le pouvoir soit accepté par l'ensemble des personnes surlesquelles est exercé ce pouvoir. On est pas donc patron, on le devient. C'est exactement la même chose pour un chef d'Etat. Pour être choisi, élu, reconnu, il faut s'appuyer sur un parcours : le parcours personnel du maréchal Pétain et du général de Gaulle. De ces parcours, celui de Pétain est plus connu que celui de De Gaulle. On voit déjà la légitimité du maréchal Pétain s'affirmer.

 

 

 

 

Philippe Pétain naît le 24 avril 1856 en Artois, dans la commune de Cauchy-à-la-Tour. Il est fils de cultivateurs, mais est élevé par son grand oncle après la mort de sa mère. La carrière de son grand oncle au sein de la grande armée napoléonnienne et les récits qu'il en fait incite le jeune Philippe Pétain à s'engager militairement. C'est pourquoi, alors qu'il n'est âgé que de quatorze ans pendant la guerre franco-allemande, il décide de devenir soldat.

 

Pétain a une enfance malheureuse. « Privé d'amour maternel et de repères paternels », il vit dans la solitude, apprend et sait la dureté de la vie. Il gardera de sa jeunesse des vulnérabilités psychologiques.

 

En 1876, Philippe Pétain rentre à l'école militaire de Saint-Cyr, et d'ailleurs parmi les derniers du classement. Plus tard, en 1883, il devient lieutenant. C'est le 22 novembre 1890, qu'à Lille, Charles de Gaulle, le futur « ami » puis adversaire de Pétain, voit le jour. Pétain n'en sait encore rien, et continue sa carrière militaire laborieuse. En 1900, chef de bataillon, il enseigne à l'école de tir de Châlons. Il affirme déjà ses conceptions militaires, morales et politiques.

 

Le petit Charles de Gaulle connaît, à l'inverse de Pétain, une jeunesse heureuse, marquée par l'amour et l'autorité paternelle forte d'Henri de Gaulle. Sa famille est stable, tout le contraire de celle qu'a eu Pétain.

 

Comme Philippe Pétain quelques années auparavant, Charles de Gaulle intègre Saint-Cyr, en 1908, et en sort quatre ans plus tard treizième, ce qui n'est pas forcément éblouissant, mais constitue un meilleur classement que Pétain, qui avait fini 403è sur 412è. Mais ce n'est pas important selon Pétain : le jugement qu'il a de lui-même est pour lui plus important que celui des autres sur sa propre personne.

 

Pétain et De Gaulle se rencontrent en 1912. Pétain est alors colonel ; De Gaulle sous-lieutenant.

 

Jusque là, la vie de Pétain se résume à une modeste carrière d'officier, mais elle connaît une ascension rapide avec la Première Guerre mondiale.

 

L'un des éléments indispensables pour comprendre notre propos dans le duel concernant la légitimité pendant l'Occupation est fondé sur son rôle pendant la bataille de Verdun, en 1916. Pendant cette bataille, Pétain croit même de Gaulle mort, et il le regrette amèrement.1 La victoire de Pétain est éclatante. De février à juin, les combats sont intenses. Pétain assure un approvisionnement régulier du front grâce au défilé incessant des camions sur la « Voie Sacrée ». De sa victoire prestigieuse naît la notion de charisme, et par extension une légitimité charismatique. Cet événement lui permet d'être auréolé de gloire, et de bénéficier d'une renommée, qu'il associe à ses soldats : « Mes grands soldats, je suis fier de vous. ».

Il n'y a pas de Vichy sans Verdun.

 

En 1917, pour économiser le sang français, il faut « attendre les chars et les Américains ». Ce sont les mutineries. Le général Pétain, hâtivement appelé à la tête de l'armée française, s'emploie à rétablir le moral des troupes en améliorant les conditions de vie des soldats (permissions plus longues) et en proscrivant les attaques inutiles. Il fait cependant juger les mutins mais ne procède qu'à 49 exécutions, pour l'exemple. Pétain comprend le malaise de ses troupes, et sa gestion intelligente de la crise lui donne une nouvelle popularité.

Pétain est quelqu'un de profondément pessimiste. En 1918, Clémenceau à Poincaré : « Pétain m'a dit une chose que je ne voudrais confier à aucun autre qu'à vous : « les Allemands battront les Anglais en rase campagne. Après il nous battront aussi. » Un général peut-il parler ainsi et même penser ainsi ? » Et le général Haig à la même période de préciser : « Pétain faisait peur à voir. Il avait la mine d'un commandant qui a la frousse et dont le courage a flanché. » Les sarcasmes de Clémenceau et de Foch sont les suivants : « il a fallu le pousser à la victoire à coups de pied au cul ; ce serait un grand malheur pour la France si jamais il venait à jouer un rôle ».

 

De Gaulle sort frustré de la guerre, parce qu'il n'a pas l'impression d'avoir tant combattu, étant capturé à Douaumont puis retenu prisonnier au fort d'Ingolstadt jusqu'à la fin de la guerre, malgré de multiples tentatives d'évasion. C'est pourquoi il participe à la guerre en Pologne en 1920. De même, bien qu'il ait connu un immense succès et soit devenu maréchal de France le 8 décembre 1918, Pétain est amer : le « vrai » vaiqueur de la guerre, c'est Foch, puisqu'il a coordonné l'action des derniers combats. Et Pétain a du mal à l'accepter.

Ainsi, Pétain et De Gaulle ont le sentiment d'avoir manqué leur rendez-vous avec l'histoire. Naît en eux une volonté de revanche...

 

Pétain et De Gaulle se marient. Pétain, pourtant célibataire endurci, avec Eugénie Hardon en 1920, De Gaulle avec Yvonne Vendroux en 1921. Pour Pétain, sa carrière est derrière lui. « J'aspire à la retraite et à l'oubli de mes contemporains », confie-t-il.

 

Philippe Pétain et Charles de Gaulle s'estiment mutuellement. Pétain a tendance à avoir le mépris facile, mais l'impression qu'il a de De Gaulle est très méliorative. Il remarque De Gaulle pour son caractère, son autorité, son sentiment de rébellion. Ils s'admirent réciroquement. Pétain, dans une note à propos de De Gaulle, précise : « Très intelligent. Aime son métier avec passion. Digne de tous les éloges. » De même, De Gaulle voit en Pétain « le plus grand chef militaire qu'[il a] jamais connu. » Cela est paradoxal avec la rivalité les opposant dès 1940. En 1925, les paroles de Pétain sont même les suivantes : « Ecoutez, Messieurs, le capitaine de Gaulle. Écoutez-le avec attention, car le jour viendra où la France fera appel à lui ! ».

Une convergence d'intérêts rapproche encore davantage ces deux hommes providentiels. Pétain cherche une plume et De Gaulle un mentor. Le rôle de De Gaulle est de rédiger les Mémoires de Pétain. Seule la rédaction de ce livre permet au maréchal d'intégrer l'Académie française.

 

 

À l'étranger, les totalitarismes s'affirment. C'est l'hystérie devant Hitler, Mussolini, Staline « le petit père des peuples », Salazar. La France devient le pays « le plus pacifique du monde ». Les gouvernements franco-anglais sont impuissants devant la montée des totalitarismes.

Devant cette menace, les Français se croient protégés derrière la ligne Maginot, qui constitue une fortification « infranchissable », dont le rôle est de défendre la France, en cas d'une invasion. Cela correspond à la volonté française de l'époque : celle du pacifisme. « On imagine que la France peut rester un ilôt alors que monte la marée guerrière »2. Selon Emile Mayer, « la guerre est devenue un luxe que nous n'avons plus guère les moyens de nous offrir ; elle disparaîtra comme a disparu par exemple le duel ».

 

L'entre-deux-guerres, c'est aussi la crise de 1929, « grande peste d'un type nouveau »3, qui se répercute tout au long de la décennie suivante en Europe et dans le monde. La IIIè République s'essoufle : le monde politique français est secoué par des scandales, comme l'affaire Stavisky. La France perd les garanties du traité de Versailles : la dette est aménagée, suspendue et enfin supprimée. L'Allemagne se réarme, rétablit le service militaire et remilitarise la Rhénanie sans aucune réaction française. L'Axe Rome-Berlin, les Pactes Antikomintern et d'Acier ne rencontrent que de molles protestations.

 

Pétain et de Gaulle divorcent. Le confilt naît de l'écriture d'un livre, et débouche sur une querelle d'auteur, derrière laquelle il y a la question fondamentale de la préparation française à la guerre. Dans un livre écrit par De Gaulle, ce dernier s'inspire des travaux qu'il a réalisé alors qu'il travaillait encore pour le maréchal. Le problème est celui de la dédicace. Pétain veut s'attribuer tout le mérite de cet ouvrage ; de Gaulle ne l'entend pas de cette oreille. « Si de Gaulle ne déprit vite de l'influence de Pétain, dont, dans le domaine de la pensée et des conceptions militaires, tout le séparait, le vieux chef passa jusqu'à l'extrême la faveur sans exemple concédée à un cadet qu'il admirait plus que tout autre et peut-être même aimait, sentiment très rare chez lui. »4 Dès lors, leurs relations sont effilochées. C'est finalement le général Laure qui écrit les Mémoires de Pétain.

Professeur à l'école de guerre à Saint Cyr, et plaidant pour la création de divisions blindées, de Gaulle défend une stratégie de guerre de mouvement, et publie des thèses militaires sur l'avenir de l'armée française : La discorde chez l'ennemi, La fil de l'épée, Vers l'armée de métier, La France et son armée. L'état-major français ne l'écoute pas. Les militaires ne font rien de concret contre la politique immobiliste de préparation de la guerre, alors qu'ils en ont la légitimité. En 1934, Paul Reynaud propose une loi. Elle est rejetée. Pétain compare même les thèses militaires de De Gaulle à « un daltonien qui parle des couleurs ».

 

Le 9 février 1934, après les manifestations des ligues, on « vient chercher » Pétain, l'une des dernières personnes encore vivantes ayant brillé en 1914-1918, qui passe alors des jours heureux sur la côte d'Azur. Il intègre le nouveau gouvernement, comme ministre de la Guerre, mais pour une courte durée. Il s'en va.

 

En 1936, le Front populaire gagne les élections. Pétain gagne la confiance de la gauche, mais il est totalement en désaccord avec les idées du Front populaire. Pétain est amer devant Léon Blum et ses revendications. Selon lui, le pays se dirige dans la mauvaise direction. La jeunesse doit être mieux encadrée. En novembre 1938, en réaction à la Nuit de Cristal, Pétain prend position contre les persécutions religieuses que subissent les juifs : « Allons-nous retourner aux heures les plus sombres de la barbarie ? ». Pétain refuse le système nazi qu'il juge « sauvage ». Pétain n'est donc pas antisémite, ou alors pas encore, ou très discrètement.

 

 

Devant les conséquences de la crise économique, la division de l'opinion face à la menace extérieure, l'instabilité ministérielle, le rejet du parlementarisme et les scandales politico-financiers, le monde politique est secoué, et certains en viennent à perdre confiance en la démocratie. La France a raté sa paix entre 1919, et le quotidien Le Petit Journal estime que Pétain est le « dernier rempart contre la montée du péril national-socialiste » (Pierre Cot), et réalise un sondage qui classe Pétain premier pour assumer une dictature en France. De même, on entend en février 1935 dans La Victoire : « C'est Pétain qu'il nous faut ! ». L'extrême-droite appelle à une dictature du maréchal Pétain !

 

En 1938, Daladier, président du Conseil français, appelle Philippe Pétain et le nomme en mars 1939, ambassadeur de France en Espagne afin d'atténuer les tensions en France et d'éviter que l'Espagne ne bascule dans des idéologies extrémistes. Pétain refuse d'entrer au gouvernement de Daladier alors président du Conseil comme ministre car il n'aime pas les politiques et préfère l'action. C'est pour cela qu'il accepte le poste d'ambassadeur de France en Espagne.

 

 

La guerre approche inlassablement. La France cède à la conférence de Munich, le 29 septembre 1939. Au retour en France, Daladier est accueilli avec enthousiasme, mais dans le déshonneur. Pour préserver la paix, il abandonne la Tchécoslovaquie. Mais bientôt, la Pologne est envahie. La Grande-Bretagne ne veut plus reculer. Londres déclare la guerre à Berlin le 3 septembre 1939 à 11 h ; Paris déclare la guerre à Berlin le 3 septembre 1939 à 17 h.

 

 

À la fin de l'entre-deux-guerres, à la veille de la guerre et au commencement de la Seconde Guerre mondiale, Pétain et De Gaulle sont irréconciliables.

1« Le capitaine de Gaulle, réputé pour sa haute valeur intellectuelle et morale, alors que son bataillon subissant un effroyable bombardement était décimé [...]. Officier hors de pair à tous égards. » Pétain

2L'Âme de la France, Max Gallo. Volume 2

3Pétain, J. Plumyène

4Jean Lacouture, Charles de Gaulle

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