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9 février 2011 3 09 /02 /février /2011 21:21

 

La perte de confiance en l'Etat français de la part des Français se traduit par la mort de Vichy, qui se manifeste à partir du 6 juin 1944. Pétain continue d'incarner la légitimité jusqu'au débarquement. Au-delà c'est terminé !

L'opération Overlord, dirigée par Eisenhower, mobilise quatre millions d'hommes, qui débarquent sur cinq plages de Normandie. C'est la plus grande opération amphibie de tous les temps.

 

Le général Eisenhower sait que son président n'estime pas beaucoup le chef de la France Libre. Il dit pourtant à De Gaulle : « Pour la prochaine campagne de France, j'aurai besoin de votre appui, du concours de vos fonctionnaires, du soutien de l'opinion française. Je ne sais pas encore quelle position théorique mon gouvernement me prescrira de prendre dans mes rapports avec vous. Mais en dehors des principes, il y a les faits. Je ne connaîtrai en France d'autre autorité que la vôtre. » Eisenhower s'apprête à aller à l'encontre des choix de Roosevelt, et par extension à donner une légitimité à de Gaulle.

 

 

De Gaulle se revoit à l'âge de quinze ans, quand il écrit un texte d'adolescense qu'il intitule « Campagne d'Allemagne », et où, dans son récit, à la tête d'une armée de 200 000 hommes, il est le vainqueur et le sauveur de la France ! Il lance un appel au soulèvement : « c'est la bataille de la France, c'est la bataille de la France. »1 « Derrière le nuage si lourd de notre sang et de nos larmes, voici que reparaît le soleil de notre grandeur. » De Gaulle, le 6 juin 1944

 

Du côté des résistants, sont enclenchés le « plan Bibendum » pour couper les routes, le « plan Vert » pour paralyser les chemins de fer, le « plan Bleu » pour paralyser les lignes à haute tension, et le « plan Violet » afin de paralyser les lgines téléphoniques.

 

 

Trois jours plus tôt, le CFLN rend publique une ordonnance qui annonce la constitution d'un gouvernement provisoire de la République française. Le CFLN devient le GPRF et s'appui sur les forces de la Résistance pour libérer le territoire français. Le 4 juin, de Gaulle rejoint Londres en vue du débarquement. Son autorité renforcée, mais il n'est informé que quelques jours seulement avant le débarquement, grâce à son opposition au projet des Alliés de mettre la France sous l'administration des Anglo-Américains, l'AMGOT (le gouvernement militaire allié des territoires occupés).

 

De Gaulle refuse une domination conjointe des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de l'URSS. La monnaie frappée par les Etats-Unis pour être utilisée en France que « le gouvernement de la république ne reconnaît pas » est le symbole fort de l'exercice du pouvoir du général de Gaulle face et avec les Alliés.

Grâce à la complicité de Montgomery et d'Eisenhower, une administration gaulliste est substituée à l'administration vichyste de Bayeux. Les pseudo-administrateurs américains sont rappelés.

 

La veille d'Overlord, sur les ondes de la BBC, aux alentours de 21 h 15, un message codé est diffusé : « les sanglots longs des violons de l'automne bercent mon coeur d'une langueur monotone. » Qui donc prononce le discours ? C'est Charles de Gaulle bien sûr. Il a donc incontestablement une autorité et une légitimité, en tant que chef de la France Libre.

 

 

 

Avec la libération qui commence, c'est un changement à cent quatre-vingt degré avec les quatre années précédentes sur tout ce que les Français croyaient ! Les découvertes et révélations respectivement sur Pétain et de Gaulle font de la libération un retournement total de la situation. D'après l'opinion publique, de Gaulle est le sauveur et Pétain l'imposture. Le monde de Pétai s'écroule complètement. La légitimité est totalement inversée. C'est le sursaut de la population française.

 

De Gaulle ne peut fouler le territoire français que huit jours après le 6 juin 1944. Le 14 juin, il est acclamé à Bayeux. Un témoin raconte et compare la tapisserie à De Gaulle comme s'il était « sorti de la tapisserie de Bayeux ! » Les Etats-Unis ne doutent plus de sa légitimité.

 

On croit à une entente Pétain et de Gaulle. On s'aperçoit vite son absurdité. Hitler a lui-même longtemps soupçonné Pétain et de Gaulle d'avoir conclu un accord secret.

 

Pétain crie haut et fort « je suis et demeure moralement votre chef ». Il n'est pas écouté. Il a perdu sa légimité charismatique. Désormais, Pétain a deux préoccupations : maintenir la France dans la neutralité et assurer la passation des pouvoirs au général de Gaulle. La légitimité est la condition de la pérennité d'un pouvoir. Pétain le sait, d'où son désire de transmettre le pouvoir dont il a usé à son ancien proche. Son rêve est une passation d'honneur. C'est un rêve. Car de Gaulle nie toute légalité au régime institué le 10 juillet 1940.

 

De Gaulle, en définitive, a compris la guerre ! Pétain est un homme du XIXè siècle. Il n'a pas compris la guerre et le fait qu'elle était mondiale. Il pensait qu'elle était rapide et irréversible. Pétain est enlevé par les Allemands le 20 août 1944. Les Allemands craignent qu'il se rallie aux Alliés.

 

 

« Pendant quatre ans, j'ai reçu vos compliments et vos fécilitations. Vous m'avez encouragé. Et maintenant, parce que les Américains sont aux portes de Paris, vous commencez à me dire que je vais être la tache de l'histoire de France... » Pétain

 

 

« Paris outragé, Paris martyrisé, mais Paris libéré » le 25 août par la 2è D.B. Eisenhower offre la libération de Paris à De Gaulle. Le général Leclerc reçoit la capitulation. Comme l'avait prévu de Gaulle dans son discours du 18 avril 1942 (« la libération nationale ne peut être séparée de l'insurrection nationale »), les Parisiens avait sorti les barricades.

 

 

D  

Le général de Gaulle à Paris.

ans les rues parisiennes, c'est l'euphorie. Personne ne conteste plus son autorité. Les hommes qui acclamaient Pétain quelques semaines plus tôt acclament désormais De Gaulle. Le peuple français est opportuniste. Sur les 42 millions d'habitants de la France, 213 000 cartes de résistants ont été délivrés, 55 000 français se sont engagés dans la Milice et 50 000 dans la FFL. Quant au FFI, ils sont passés de 100 000 à 500 hommes ! « Nous n'avons su que le général de Gaulle était grand qu'en 1944 » dit Malraux. 40 000 résistants ont été fusillés.

 


 


 


 

Le 26 août 1944, l'amiral Auphan est envoyé par Pétain auprès de De Gaulle pour négocier une « passation de pouvoirs ». Auphan est éconduit. Gaullisme et pétainisme sont irréconcilables.

 

De Gaulle refuse de proclamer la République, estimant qu'elle a été maintenue depuis 4 ans : à Londres puis à Alger. « La République n'a jamais cessé d'être [...] Vichy fut toujours nul et non avenu. Moi-même, je suis président du gouvernement de la République. Pourquoi vais-je la proclamer ? » De Gaulle légitimise lui-même ses propres actions, son exercice du pouvoir.

Par cette déclaration, De Gaulle attribue les lois antisémites, les rafles, etc, aux hommes ayant composé Vichy. Vichy est donc sans légitimité. Vichy est une parenthèse selon De Gaulle. Les crimes sont imputables à des hommes (Pétain, Laval), et non à la nation. Il n'y a pas de repentance à faire.

 

Ordonnance du 9 août 1944 : « Le premier acte de ce rétablissement est la constatation que la forme du gouvernement est et demeure la République. En droit, celle-ci n'a pas cessé d'exister. Cette constatation primordiale exprimée, il s'ensuit une autre : les lois et règlements que l'autorité de fait qui s'est imposée à la France a promulgués ne peuvent tirer de sa volonté aucune force obligatoire. Tout ce qui est postérieur à la chute, dans la journée du 16 juin 1940 du dernier gouvernement légitime de la République, est frappé de nullité ».

 

 

Le 26 août, de Gaulle descend l'avenue des Champs Elysées acclamé avec les résistants. De l'Arc de Triomphe à Notre Dame, c'est la ferveur de la population.

 

Vient l'heure du procès dont ne souhaitait pas de Gaulle. Il dira dans ses Mémoires que « Pétain est mort en 1925, mais [que] nul n'a jamais osé le lui dire, il n'en a donc rien su. » Charles de Gaulle aurait préféré un jugement par coutumace et que Pétain reste en Suisse. Au contraire, Pétain veut son procès, comme un ultime combat pour son honneur. « C'est au peuple français que je suis venu rendre des comptes. » Pétain n'est estime être responsable que devant les Français et non devant la Haute Cour de Justice. Dans une lettre, il écrivait même à Hitler : « Je ne puis soustraire à mes responsabilités. [...] Je veux répondre de mes actes et je suis seul juge des risques que cette attitude peut comporter. [...] À mon âge, je ne crains qu'une chose, c'est de n'avoir pas fait tout mon devoir. » Le procès permet une approche de la légitimité vis à vis de la justice, et par extension des institutions.

 

 

 

Le procès s'ouvre dans la colère, la honte, la tristesse. À l'arrivée de Pétain dans la salle d'audience, tous se lèvent pour le laisser passer, comme un vieux réflexe. Les avocats de Philippe Pétain sont Jacques Isorni, Jean Lemaitre, Fernand Payen, contre le procureur Morveu, le 11 août 1945. Pétain est accusé d'avoir été au-delà du mandat que le Parlement lui avait confié à la suite d'un « complot contre la République » et d'avoir profité de son pouvoir et de sa légitimité. Le discours de Pétain est d'une lucidité extraordinaire. Il s'exprime le premier jour et se tait jusqu'au verdict.

« L'occupation m'obligeait aussi, contre mon gré et contre mon coeur, à tenir des propos, à accomplir certains actes dont j'ai souffert plus que vous, mais, devant les exigences de l'ennemi, je n'ai rien abandonné d'essentiel à l'existence de la patrie. Au contraire, pendant quatre années, par mon action, j'ai maintenu la France, j'ai assuré aux Français la vie et le pain, j'ai assuré à nos prisonniers le soutien de la nation. [...] C'est l'ennemi seul qui, par sa présence sur notre sol envahi, a porté atteinte à nos libertés et s'opposait à notre volonté de relèvement. [...] Des millions de Français pensent à moi, qui m'ont accordé leur confiance et me gardent leur fidélité. [...] En me condamnant, ce sont ces millions d'hommes que vous condamneriez dans leur espérance et dans leur foi. »2

Pétain rappelle ce qu'il déjà un an plus tôt : « Je n'ai eu qu'un but, vous protéger du pire. En certaines circonstances, mes paroles ou mes actes ont pu vous surprendre. Sachez enfin qu'ils m'ont fait alors plus de mal que vous n'en avez vous-mêmes ressenti. J'ai souffert pour vous, avec vous... »3


« À votre jugement répondront celui de Dieu et celui de la postérité. Ils suffiront à ma conscience et à ma mémoire. Je m'en remets à la France ! ... ». Les choix qu'a fait Pétain ne sont pas ceux auxquels la France a donné raison.Pétain affirme avoir été un « allié secret du général De Gaulle ». Pétain avait été « le bouclier » et de Gaulle avait été « l'épée ». C'est la position de Pétain. On ne peut pas dire qu'elle est vraie, même si « la zone libre a respiré un peu mieux que l'autre pendant deux ans ».

 

 

« S'il a fait don de sa personne, c'est comme une prostituée, mais ce n'est pas à la France » selon Camus. Le procès est aussi vif que celui de Jeanne d'Arc ou de Louis XVI. Les jurés prennent en compte leur propre situation pendant ces « années noires ». « Ne reculons pas devant cette pensée qu'une part de nous-mêmes fut peut-être complice, à certaines heures, de ce vieillard foudroyé. »4 La presse réclame la peine capitale. Le « fils aimé »5 de Pétain reste muet.

 

Le procès dure un mois. Lebrun, Reynaud, Darlan, Laval, Blum témoignent. La question du génocide est peu évoquée. Le procès, en fin de compte, est l'affirmation de la légitimité de la France libre

 

Le verdict tombe le 15 août 1945 : la peine de mort, reconnu « coupable d'intelligence avec l'ennemi et de haute trahison », qui est finalement commuée. La sentence n'est pas exécutée. De Gaulle aurait signé la grâce si la condamnation à mort avait été maintenue.

Pétain admirait De Gaulle. C'est peut être le fils qu'il aurait voulu avoir ou la personne qu'il aurait voulu avoir été.

 

La justice française qui poursuivait les résistants pendant la guerre punit désormais les « collabos ». Au final, le procès est l'affirmation de la plus complète illégitimité du régime de Vichy et l'affirmation de celle du général de Gaulle.

 

 

Le GRPF s'installe à Paris le 31 août 1944 ; un gouvernement est formé le 8 septembre. Il prend le nom de Gouvernement Provisoire de la République Française (GRPF), dont De Gaulle est le chef.

Le 10 septembre 1944, la législation de Vichy est abolie, ce qui rend l'Etat français davantage illégitime.

 

Le 23 septembre, les Alliés reconnaissent l'autorité du GRPF. Il devient le gouvernement officiel et légal de la France. Roosevelt ne reconnaît le GPRF qu'à la veille des présidentielles américaines.

« De Gaulle a survécu a un rapport de force singulièrement défavorable. »6



La légitimité acquise du général de Gaulle rencontre cependant des limites. Il n'est pas invité le 4 février 1945 à la conférence de Yalta.7 Mais les limites ne restent que temporairement. « Le général De Gaulle assure la rentrée de la France dans le concert des grandes puissances. »8 Il réorganise la France grâce au retour de la démocratie, en accordant le droit de vote aux femmes, en limitant l'épuration et en réformant l'Etat, l'économie et la société. En politique extérieure, la France obtient un siège permanent au Conseil de Sécurité de l'ONU, une zone d'occupation en Allemagne. Comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'URSS et la Chine, la France est considérée comme un « pays vainqueur » de la guerre. Paris est le siège de l'UNESCO ; la France a une zone d'occupation en Allemagne. Le 10 décembre 1944, de Gaulle signe un traité d'amitié avec Staline pour réaffirmer l'indépendance française.

Le redressement de la France est exceptionnel. La reconstitution du pays est rapide. Au mois de juin 1945, 80 % des Français pensent que la place mondiale de la France est retrouvée. Le général de Gaulle réconcilie les Français qui ont vu mourir 600 000 compatriotes pendant l'Occupation.

 

Enfin, le 13 novembre 1945 , Charles de Gaulle est élu à l'unanimité par l'Assemblée constituante. Sa légitimité est donc incontestable car il s'appuie sur les textes de loi en vigueur. Il obtient ainsi une légitimité légale et démocratique.

1Voir Annexes p. 73 - Discours du général de Gaulle le 6 juin 1944

2Voir Annexes - Discours du 23 juillet 1945 du maréchal Pétain

3Voir Annexes p 73 - Discours du 18 août 1944 du maréchal Pétain

4D'après François Maurriac

5De Gaulle, selon Marc Ferro

6De Gaulle-Pétain, Le destin, la blessure, la leçon (Frédéric Salat-Baroux)

7Il ne l'oubliera d'ailleurs jamais.

8La Seconde Guerre mondiale : les acteurs (Pierre Vallaud)

Pétain le jour de son procès.

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8 février 2011 2 08 /02 /février /2011 21:20

 

Vichy policier ! Les ultras-collaborateurs comme Henriot et Darnand le 30 septembre 1943 ou encore Déat le 16 mars1944 rentrent au gouvernement pour détruire la résistance. De nombreux résistants, comme Jean May et Georges Mandel, sont assassinés par la Milice. La Milice a désormais le droit d'assassiner sans jugement. Le scandale de l'abus de pouvoir renouvelle l'interrogation sur l'exercice du pouvoir. La Révolution nationale, opportuniste, se transforme en une revanche politique. Il y a critique du pouvoir autoritaire. De Gaulle définit Vichy comme « les abus anarchiques d'un régime en décomposition ».

Malgré une perte de confiance dans le gouvernement de Vichy, les Français s'en remettent paradoxalement au maréchal Pétain. Le durable prestige personnel du maréchal continue à légitimer ce que fait son gouvernement alors que sa politique suscite depuis longtemps déjà de larges doutes et inquiétudes. C'est d'ailleurs la France qui envoie le plus d'ouvrier travailler en Allemagne. Sans être collaborateurs, beaucoup de Français font confiance à Pétain en étant anti-Allemands.

 

Il y a donc une perte de confiance en le gouvernement de Vichy, mais pas en le maréchal Pétain.

Ne pas confondre pétainisme et maréchalisme !

 

De plus, chose rarement révélée, Pétain veut quitter le pouvoir, mais les Allemands l'y en empêche ! Faut-il y voir le signe qu'il ne croit pas en sa légitimité ?

 

 

Vichy vu par les Français nous donne un approche sur l'articulation entre l'Etat et la société, c'est-à-dire le lien entre le pouvoir central et les citoyens dans un régime sans parlement.

L'Etat français est un régime sans parlement ce qui fait qu'il y a quelques différents entre le peuple et le pouvoir ce qui se répercute sur l'opinion publique. Quand le gouvernant dispose d'une légitimité, les décisions sont ainsi mieux appliquées ; les membres de la collectivité sont plus disciplinés. Or, « la population n'approuve plus le régime, la contrainte remplace la persuasion. »1. Le militantisme du parti communiste se renforce et s'oppose au gouvernement en place.

La devise de Vichy est transformée par le peuple : « Tracas, Famine, Patrouilles ». Cela dit, si les Français restent fidèles à la solution Vichy, c'est avant tout par un respect instinctif de l'ordre public. Les fonctionnaires continuent à obéir. Paxton émet l'hypothèse que beaucoup de Français voient d'un mauvais oeil la libération et préfère, bien que contraignante, l'occupation. En effet, la perspective de la libération n'offre que de nouveau la guerre, les morts, le pillage, la destruction, et surtout la menace d'une guerre civile. On refuse aussi de croire que l'aide extérieure des Américains est désintéressée.

 

 

L'opinion publique évolue, plutôt dans le sens de la résistance sans y participer activement. Il reste quand même difficile de mesurer la popularité d'un régime autoritaire

 

 

Le 21 juin 1943, l'arrestation de Jean Moulin à Calluire (près de Lyon) est un coup dur pour Charles De Gaulle. Il perd l'homme qu'il avait envoyé pour diriger la résistance française. Celui-ci décèdera dans les mains des Allemands le 8 juillet 1943. Cependant le 23 décembre 1943, les Forces Françaises de l'Intérieur (FFI) sont officiellement crées. C'est l'objectif d'unir les résistants français de Jean Moulin donné par De Gaulle qui se réalise. Les FFI s'unissent le 1er février 1944. D'un autre côté De Gaulle obtient d'autres soutiens. Les « quatre-vingts » qui ont voté contre l'obtention de tout les pouvoirs pour Pétain le 10 juillet 1940 se revendiquent comme les premiers résistants et estiment qu'ils détiennent une part de légalité constitutionnelle qui leur revient, avec la disparition de la République, et veulent la confier2 au général de Gaulle.

 

De l'autre côté on assiste aux difficultés d'un pouvoir illégitime. Pétain est de plus en plus seul. Tout texte de loi qu'il veut faire est soumis à l'examen des autorités allemandes.

 

 

 Pétain est de plus en plus seul, et à cause de son grand âge3, il subit des pertes de lucidité de plus en plus fréquentes. La Constitution n'est toujours pas rédigée, et elle ne le sera pas. C'est pourtant la mission confiée à Pétain en juillet 1940 : rédiger une « nouvelle constitution ». Le pouvoir ne peut être garanti que par une constitution écrite, ici ce n'est pas le cas, c'est contraire au constitutionnalisme. Rappelons que la Constitution est la loi fondamentale d'un Etat qui définit les droits et les libertés ainsi que l'organisation du pouvoir politique et le fonctionnement des institutions. Le régime n'est donc pas légitime puisqu'il ne s'appuie sur rien.

Pour anecdote, une Constitution peut être injuste, mais ses lois sont légales. Pétain pense avoir la légitimité légale alors qu'il n'a pas de constitution.

 

En janvier 1944. Pétain affirme « achever la mise au point de la Constitution. »4 On peut en douter. Comment expliquer la non rédaction de la Constitution ? On peut envisager qu'en 1944 Pétain et Laval cessent de croire en une victoire allemande.

 

 

Aussi, tout texte de loi est soumis à l'examen des autorités allemandes.

 

 

 

 

« C'est le respect de la légitimité qui conditionne la stabilité d'un pays. En dehors de la légitimité, il ne peut y avoir qu'aventures, rivalités de factions, anarchie et luttes fratricides.

J'incarne aujourd'hui la légitimité française. J'entends la conserver comme un dépôt sacré et qu'elle revienne à mon décès à l'Assemblée nationale de qui je l'ai reçue si la nouvelle Constitution n'est pas ratifiée.

Ainsi, en dépit des évènements redoutables que traverse la France, le pouvoir politique sera toujours assuré conformément à la loi. »5



De Gaulle tisse sa toile, et conquiert sa légitimité. Il incarne l'espérance. Le 3 juin 1943 le Comité français de la Libération Nationale (CFNL) est créé à Alger. C'est une fusion entre Alger et Londres. De Gaulle et Giraud coprésident le CFNL. Giraud s'occupe des questions militaires ; de Gaulle gère les problématiques politiques et générales.

L'Armée d'Afrique et celle de la France fusionnent, pour ne plus former qu'une seule et unique armée française ! La France Libre va de succès en succès pour les initiatives qu'elle prend.

Le 14 juillet 1943, Giraud va aux Etats-Unis, mais Roosevelt refuse de légitimer le Comité d'Alger et donc De Gaulle. De Gaulle possède une légitimité charismatique de même que Pétain et chacun des deux hommes s'appuient sur des lois pour légitimer leur pouvoir.

 

La conférence de Brazzaville, organisée du 30 janvier au 8 février 1944, envisage la décolonisation.

 

Cependant le régime de Vichy fait trop d'abus de pouvoirs.Trop de pouvoirs sont concentrés en peu de mains. Comment peut-on donc considérer le régime de Vichy ? Comme un despotisme, une tyrannie, une dictature, un régime autoritaire ? Arbitraire ?

 

 

 

Aux yeux de René Gillain, Pétain est « le seul signe visible que Dieu protège encore la France ! » La légitimité charismatique de Pétain est très vivante. En revanche, il est fort des acquis de juillet 1940, mais il perd progressivement sa légitimité légale, devant la même légitimité légale croissante du général de Gaulle. En effet, le 15 mars 1944 il publie le programme du CNR, qui offre une vision progressiste et sociale de la France. De Gaulle veut un régime démocratique. Dans la société démocratique, les gouvernements fondés sur la légitimité du pouvoir légal laissent une forte place à la légitimité du pouvoir charismatique du président ou du premier ministre. De Gaulle veut le partage du pouvoir et augmenter les droits.

 

L'Etat-major du CNFL est le Comité d'Action Militaire (COMAR), dirigé par Pierre Villon, Jean de Vogüe, Kriegel-Valrimont.

 

 

Au printemps 1943, De Gaulle et Giraud, toujours en concurrence, se chamaillent en Afrique du Nord. Le 3 juin, ils créent le Comité Français de Libération Nationale à Alger (CFLN). Les deux généraux français en assurent la coprésidence.

Le 31 juillet 1943, De Gaulle devient le seul président du CFLN. De Gaulle écarte Giraud. Puis le 23 août 1943, le CFLN est reconnu comme représentant « les intérêts français » par Moscou, Londres et Washington. Le CFLN est légitimé par l'existence d'une Assemblée consultative provisoire. La popularité de De Gaulle vis à vis de ses alliés grimpe en flèche.

 

«  Londres reconnaît dès à présent le Comité Français de la Libération Nationale comme administrant les territoires français d'outre-mer qui reconnaissent son autorité. Le gouvernement de Sa Majesté reconnaît également le Comité comme organe qualifié pour assurer la conduite de l'effort de guerre dans le cadre de la coopération interalliée. »

 

Malgré l'embarras de Roosevelt, c'est une reconnaissance internationale, car trente-cinq pays suivent le mouvement.

 

« Le gouvernement des Etats-Unis a pris note avec sympathie du désir exprimé par le Comité d'être considéré comme l'organe qualifié pour assurer l'administration et la défense des intérêts français. La mesure dans laquelle il sera possible de faire droit à cette revendication devra néanmoins faire l'objet d'un examen au cas par cas. Sous ces réserves, le gouvernement des Etats-Unis reconnaît le Comité Français de la Libération Nationale comme administrant les territoires d'outre-mer qui reconnaissent son autorité. [...] Cette déclaration ne constitue en rien la reconnaissance d'un gouvernement de la France et de l'Empire français par le gouvernement des Etats-Unis. » Mais il pense vivement que « ce n'est pas un chef d'Etat étranger. Ce n'est que le chef d'un comité. ». Churchill dit aussi clairement qu'à « chaque fois qu'il [lui] faudra choisir entre l'Europe et le grand large, [il sera] toujours pour le grand large. »

 

Staline soutient de Gaulle : l'Union soviétique reconnaît le Comité comme « garant des intérêts d'Etat de la République française. »

 

 

Le 3 novembre 1943, la première « Assemblée consultative provisoire » tient sa première séance, au palais des Délégations financières à Alger. « C'est le début de la résurrection des institutions représentatives françaises. » pense De Gaulle. Cette assemblée représente les mouvements résistants, les partis politiques et les territoires engagés dans la guerre aux côtés des Alliés et sous la direction du CFLN. Cette Assemblée est l'aboutissement du projet de l'ordonnance n°16 du 24 septembre 1941 ; celle-ci évoquait l'organisation des pouvoirs publics de la France Libre.

 

 

L  

L'Assemblée consultative provisoire réunie à Alger.

e souhait de Charles de Gaulle est d'assurer le moins imparfaitement possible la représentativité nationale. Le 10 novembre 1943, Félix Gouin, un des « quatre-vingts » du 10 juillet 1940, est élu président de l'Assemblée consultative, qui est encore l'assemblée la plus méconnue en France aujourd'hui. Elle est une assemblée parlementaire, sur un territoire français (l'Algérie appartient à la France). Félix Gouin n'est pas du tout un « concurrent » de Charles de Gaulle. Ils mènent leurs actions ensemble. Gouin est plutôt au service du général, et pas l'inverse.

 


 


 

Du 12 septembre 1942 au 4 octobre 1943, la Corse est le théâtre d'affrontements violents pour sa libération. C'est chose faite en octobre. La Corse est le premier département conquis.

 

En octobre 1943, De Gaulle se débarasse définitivement de Giraud, à qui « il limite les responsabilités au seul commandement en chef des forces armées le 31 juillet et subordonne celui-ci au CFLN, après dissolution de la coprésidence de cet organisme le 9 novembre. »6 De Gaulle est nommé commandant en chef des forces françaises. De Gaulle est désormais le commandant en chef des forces françaises.

 

 

 

Les actions menées par la France Libre s'imposent comme une alternative à l'occupation. Pétain qui n'a toujours que remis en cause l'héritage révolutionnaire de 1789 est puissant devant la légitimité du général de Gaulle et ses initiatives qui conservent la tradition républicaine.

 

Les perspectives de la libération s'offrent aux Français. On pourrait croire que cela favorise la légitimité du général de Gaulle auprès des Français. Paradoxalement, ce n'est pas le cas. D'une part, il faut rejeter la thèse selon laquelle la majorité des Français sont résistants. D'autre part, les Français voient d'un mauvais oeil la tenue d'un débarquement qui n'aménerait que des morts, des blessés et une misère supplémentaire s'ajoutant à celle qu'ils vivent au quotidien.

 

En mars 1944, les « Forces Françaises de l'Intérieur » (FFI) s'organisent en vue d'une prochaine opération militaire en France. Le commandant des FFI est Pierre Keoning.

 

 

 

Pétain est pratiquement tout le temps en situation de « conflit » avec Laval. En 1943, Pétain veut se débarrasser de lui à deux reprises. Il renonce, signe des difficultés qu'il rencontre.

Avec les réfractaires au STO, les rangs se grossissent. Le STO est un « stimulant pour la Résistance. »7. Les envois de travailleurs forcés sont considérés, dans l'opinion, comme des déportations. De Gaulle incarne la continuité de la République française, et il envisage l'avenir. C'est un symbole d'union sacrée, de patriotisme avec une volonté de rassemblement des Français. En mars 1944, De Gaulle décrète l'assimilation des mouvements de résistance à la France Libre. Avec la tenue des séances de l'Assemblée consultative, De Gaulle incarne la continuité de la République française, et il envisage l'avenir : à Brazzaville, il estime que la colonisation doit faire place à l'émancipation.

 

 

Mais c'est toujours Pétain vs De Gaulle

 

 

 

« L'invasion et l'Occupation ont détruit les institutions que la France s'était données » selon de Gaulle. Si les institutions n'existent plus, le pouvoir politique de Pétain n'existe pas !

 

 

 

Le pouvoir politique et sa légitimité rencontre des limites pour De Gaulle. Sa légitimité mise en épreuve. À Téhéran (28 novembre – 2 décembre 1943) comme à Yalta dans deux ans, de Gaulle n'est pas invité aux réunions entre Staline, Roosevelt et Churchill. Le débarquement en France est décidé sans la présence du général de Gaulle.

 

 

 

 

Vichy est accepté parce qu'il n'y a aucune autre proposition en métropole. De plus, les Français croient au double jeu de Pétain et De Gaulle. Vichy a peut être évité le pire : une administration allemande, une extermination totale des Juifs, … Vichy peut donc désobéir avec un risque de représailles des Allemands ou au contraire, obéir et ne rien faire. La plupart des Français ont obéi. Les auteurs et « les lecteurs auraient peut-être été tenté, hélas, d'en faire autant ».

 

 

La légitimité de Pétain est liée à des paradoxes, comme lors de son voyage dans la zone nord en 1944. ll est accueilli avec ferveur par une population toujours autant désemparée. Au lendemain d'un bombardement à Paris, le 26 avril 1944, Pétain, en visite, est accueilli chaleureusement. La Marseillaise, pourtant interdite depuis quatre ans, est chantée dans la foule rassemblée.

Cette image montre qu'à quelques semaines de la libération, Pétain est un jour applaudi comme un héros, et un autre hué comme un traître. Comme à Paris, il est ovationné à Nancy, Epinal, Dijon, Lyon, Rouen. Le 5 juin 1944, à Saint-Etienne, il est acclamé ! C'est paradoxal, quand on sait ce qui se passe le jour suivant...

1La France de Vichy, Robert O. Paxton

2Voir Annexes p. 84 - Rapport de Jean Renard (alias Jean Odin) transmis à Londres le 17 décembre 1943

3La longévité de la vie de Pétain peut s'expliquer par le fait que les membres de sa famille sont presque tous centenaires !

4Voir Annexes p. 72 - Discours du 13 novembre 1943 du maréchal Pétain

5Voir Annexes p. 72 - Discours du 13 novembre 1943 du maréchal Pétain

6La Seconde Guerre mondiale : les acteurs, Pierre Vallaud

7La France dans la Deuxième Guerre mondiale, Yves Durand

La place Stanislas devant le maréchal Pétain.

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7 février 2011 1 07 /02 /février /2011 21:18

 

« La courbe descendante du pétainisme et la courbe ascendante du gaullisme se croisent quelque part vers la fin de 1942 ou le début de 1943. »1 Paxton a raison, mais il faut être nuancé. Les Français sont en majorité attentistes et non gaullistes ; il y a très peu d'engagement dans la résistance. Les Français craignent aussi une libération avec un coût trop élevé avec les armes.

C'est pourquoi Paxton conclut : « les deux courbes ne sont pas régulières ».

 

 

Vichy s'épuise. Le tournant se situe à l'hiver 1942-1943. La zone libre est envahie. Malgré les protestations « contre ces décisions incompatibles avec les conventions d'armistice »2, Pétain n'a plus sa flotte et son empire. Vichy est encore plus en situation constante de faiblesse. Le maréchal perd le faible rôle qu'il avait auparavant. Il cède trop souvent aux exigences allemandes, quand il ne prend pas d'initiative de lui-même au préalable. La collaboration n'apporte plus rien, puisqu'en réalité l'Allemagne n'accorde aucune concession. Hobbes pense que la souveraineté est toujours légitime quand est le signe d'une rationalité positive et agissante des hommes. Ce n'est plus le cas : le pouvoir donné à Pétain pour « atténuer les malheurs de la France » n'agit pas. Il y a d'une manière perte de légitimité. Pétain n'a désormais qu'un rôle effacé. Ainsi, Laval obtient les pleins pouvoirs le 17 novembre 1942, grâce à l'acte constitutionnel n°123.

 

La légalité et la légitimité du régime de Vichy s'avèrent être d'éphémères produits de circonstances. C'est la fin des illusions. Pétain est de plus en plus seul, il n'a plus que les apparences du pouvoir et subit des pertes de lucidité de plus en plus importantes à cause de son grand âge (87 ans).

 

La France cesse d'être pétainiste, et devient attentiste. On constate la totale réprobation des Français face à cette politique. Pétain est désavoué, bien que l'action publique n'a qu'une relation indirecte avec l'action politique, surtout dans un régime totalitaire. Mais l'impression générale du régime est que la façon de gouverner ne correspond pas à l'opinion populaire voulant que le pouvoir..

L'Etat français va à l'encontre de la population. Certaines villes, industrielles, comme Clermont-Ferrand, l'opinion n'a jamais soutenu majoritairement Vichy.

 

Après novembre 1942, il est vital d'aider Vichy pour conserver l'autorité d'Etat souverain. Le pouvoir de Vichy n'est accepté que s'il est garant de l'ordre et de la sécurité. C'est son principal objectif. Or l'agitation dans le pays s'étend. L'autorité du maréchal Pétain est petit à petit contestée. La domination résulte du recours à la puissance pour obtenir l'exécution des décisions. L'obéissance des dominés est consentie lorsque l'autorité est légitime.

 

 

L'opinion publique interprète les évènements qui se déroulent sur le front russe comme le premier signe d'un renversement de la situation en faveur du bloc russo-anglo-américain. La résistance anglaise efficace, l'entrée en guerre des Etats-Unis, l'échec allemand à Moscou puis Stalingrad font naître l'idée que le IIIè Reich ne gagnera finalement pas la guerre. La France sera libérée. Devant la multiplication des défaites allemandes, les Français reprennent espoir. On observe une nouvelle affluence en faveur de la Résistance. De Gaulle devient populaire.

 

D'autant plus que l'occupation devient de plus en plus difficile à affronter, que l'exploitation économique se durcit, que les souffrances et les privations des Français augmentent. Bien qu'Hitler se moque de la Révolution nationale, il exploite la France : il veut faire fonctionner la machine de guerre allemande. Les polices française et allemande se mettent à coopérer pour démanteler la résistance.

 

Le 10 novembre 1942, de nouvelles négociations ont lieu à Munich, pour « une participation active de la France à la guerre contre l'Angleterre et les Etats-Unis aux côtés de l'Axe », si en échange l'Allemagne reconnaît l'indépendance de la France. Cela n'aboutit pas.

 

À l'inverse, d'autres pays européens ayant fuit ou non à Londres et disposant seulement d'une administration du pays (on parle de « politique de gérance »), la France a une situation plus favorable. Elle est administrée par elle-même. De plus, il y a en France un gouvernement souverain : c'est la « politique de souveraineté ». L'occupation de la France n'est pas celle de la Pologne.

 

 

 

 

Pétain perd un appui solide, celui du pape Pie XII qui juge, le 1er janvier 1943 comme de Gaulle qu'« il ne peut y avoir de gouvernement français légitime qui ait cessé d'être indépendant. ». Comme le Vatican, l'Eglise rompt avec le régime de Vichy. Mgr Saliège à Toulouse

 

 

Le 30 janvier 1943, Darnand crée la milice, puis la deuxième loi sur le STO est faite le 16 février 1943. Le régime de Vichy s'éloigne de plus en plus de la population pour mieux collaborer. On assiste à la création des premiers maquis dans la montagne dont les personnes traquées sont des républicains espagnols, des juifs, des Alsaciens-Lorrains, des réfractaires du STO, des volontaires, soit au total 250 000 hommes qui s'engagent dans la résistance au côté de De Gaulle. Il existe des divisions très prononcées (gaullistes, communistes, giraudistes), mais tous ont le même but : la construction d'une voie alternative à celle choisie par Vichy.

 

 

En mars 1943, le démantèlement de la législation vichyste en Afrique fait perdre une partie de la légitimité de Pétain. À la même période, Jean Mouiln créé les Mouvements Unis de la Résistance (MUR). Sa première session plénière a lieu le 27 mai 1943 : on décide de confier la gestion des intérêts de la France au général de Gaulle et le commandement des forces armées au général Giraud

mise en place du CNR. Vis à vis des institutions, la légitimité bascule !

 

 

La France Libre est un mouvement construit progressivement par De Gaulle, et qui conteste la légitimité de Pétain, qu'elle juge illégitime parce qu'il a choisi la collaboration. De Gaulle a le soutien constant de l'opinion et de la presse anglo-saxonne. Les Britanniques créent le SOE (Special Operation Executive) pour « coordonner toute action (subversion, sabotage) contre l'ennemi sur le continent ». La résistance en France et depuis l'étranger contribue à l'effort de guerre allié.

 

La Résistance se donne en 1943 un hymne : Le Chant des partisans4, dont on siffle la mélodie dans les maquis. De Gaulle, à travers la Résistance, veut le respect des valeurs de la nation.

 

De Gaulle charge Jean Moulin d'unifier la Résistance.Les Etats-Unis ignorent De Gaulle. Il faut unir la résistance sous l'autorité du général de Gaulle pour donner une légitimité à son action. La méfiance et l'hostilité irrationnelles de Roosevelt mène de Gaulle à ne pas vouloir se laisser dicter sa politique.

 

Le prestige de Pétain s'effrite petit à petit, tout en demeurant. Tout en demeurant, oui, l'analyse de la légitimité est faite de paradoxes. On assiste à un divorce croissant entre l'opinion française et le gouvernement de Vichy. Le vent tourne ! La politique discriminatoire et répressive, les contraintes de l'occupation contre lesquelles Pétain ne peut rien, l'action des opposants qui tente de plus en plus de Français détachent tout doucement l'opinion de Vichy. À cela s'ajoute la poursuite de la collaboration. On en distingue trois formes : par intérêt général, par adhésion à l'idéologie (collaborationnisme), par « collaboration d'Etat » (intérêt général) afin d'obtenir des concessions.

Malgré la collaboration, Pétain n'est pas le plus mal traité ! Laval est souvent le bouc-émissaire ; c'est « un envoyé des dieux pour les caricaturistes »5.

 

Devant ces difficultés, Pétain renforce son charisme. « La majesté naturelle ne s'explique d'aucune façon » clame Loustaunau-Lacou, au sujet de Pétain. Sa présence déclenche toujours le déplacement de foules nombreuses ; le portrait du maréchal trône depuis 1940 dans le salon des familles françaises.

 

 

Les contemporains résument l'Occupation à : « Terreur blanche, bibliothèque rose, marché noir. »

Terreur blanche. Les Juifs, la Milice, les exécutions, les otages, les représailles, les dénonciations, les attentats, la répression, la peur des Allemands, la torture, les délations, les lâchetés, les malversations, les égoïsmes sont autant de composantes de la vie quotidienne des Français. Les situations dans les familles ne sont pas stables : le père est la plupart du temps absent, qu'il soit résistant, prisonnier, travailleur pour l'Allemagne.

Bibliothèque rose. C'est le nom donné à la lutte du maréchal, à l'humiliation, à l'amertume, au désespoir. Qu'espérer ? La victoire allemande ? Russe ? Le triomphe de la résistance ? La radio et la propagande se joignent à cela.

Marché noir à cause des pénuries, du rationnement, de la misère. 150 000 personnes meurent de faim. L'obsession du ravitaillement, les tickets, le couvre-feu, le système D. Le pouvoir économique est inséparable du pouvoir politique.

Les Chantiers de Jeunesse, afin d'encadrer la jeunesse, constitue un outli d'endoctrinement.

 

 

Malgré la collaboration, l'Allemagne n'est pas l'amie de la France. Pétain n'a plus que les apparences du pouvoir. Un des principaux objectifs de Pétain n'est pas atteint : celui de la libération des prisonniers. Ils sont plus de 2 500 000 en Allemagne, dont la moyenne d'âge est de trente ans ! Un quart mariés, la moitié ont des enfants. Entassés, ils vivent difficilement.

 

En France, l'espoir secret est que Vichy reprenne la guerre aux côtés des Alliés.

 

 

La légitimité de De Gaulle s'affirme progressivement. « La République, il fut un temps où elle était reniée, trahie par les partis eux-mêmes. Alors moi, j'ai redressé ses armes, ses lois, son nom. J'ai fait la guerre pour obtenir la victoire de la France et je me suis arrangé de telle sorte que ce soit aussi la victoire de la République. Je l'ai faite avec tous ceux, sans aucune exception, qui ont voulu se joindre à moi. À leur tête, j'ai rétabli la République chez elle. » De Gaulle

 

Lettre de Léon Blum à Churchill et Roosevelt (novembre 1942)

« Si le général de Gaulle incarne cette unité, c'est qu'il en est, dans une large mesure, l'auteur. J'ai été, comme des millions de Français, le témoin quotidien de son oeuvre. Dans une France assommée et hébétée et par un désastre incompréhensible, étouffée par une double oppression, c'est lui qui a ranimé peu à peu l'honneur national, l'amour de la liberté, la conscience patriotique et civique. Je ne fais pas seulement cette profession de foi en mon nom personnel, je sais que je suis l'interprète de tous les socialistes regroupés en France. Je suis convaincu que j'exprime l'opinion de la masse des républicains, ouvriers ou paysans. On sert la France démocratique en aidant le général de Gaulle à prendre dès à présent l'attitude d'un chef. Quand je parle ainsi, je ne pense pas jeter la France dans les bras d'un nouveau dictateur. »

 

La légitimité du général est grandissante.

 

 

 

 

 

La légitimité rationnelle-légale du général de Gaulle se précise. Il obtient le ralliement de partis politiques et de personnalités divers : la gauche, le SFIO (avec l'entrée d'André Philip au Comité National en 1942), le Parti Communiste (de Fernand Frenier le 12 janvier 1943), les radicaux (Edouard Herriot au cours d'avril 1943), mais aussi Christian Pineau, Léon Blum...

 

 



 

 

 

 

La France a besoin d'une assise territoriale pour asseoir sa légitimité et agir. Elle ne veut pas donner seulement l'impression d'un gouvernement en exil. C'est pourquoi le 30 mai 1943, de Gaulle s'installe à Alger, et y organise son pouvoir et les institutions. De Gaulle conserve le principe de démocratie, « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » de Lincoln.

 

 

 

On assiste à un duel : De Gaulle contre Giraud. Le « vainqueur » peut prétendre à être légitime pour défier le maréchal Pétain...

 

Alors que l'amiral Auphan démissionne et que Darlan se range du côté des Alliés (« le maréchal n'est plus libre » selon lui), Henri Giraud s'évade de la prison d'où il était retenu en Allemagne.

 

Roosevelt s'appuie sur Darlan, qu'il estime être dépositaire de la légitimité de Pétain tout en souhaitant désormais la libération française. Le 24 décembre 1942, Darlan est mystérieusement assassiné

Giraud de succéder alors à Darlan (le 26 décembre) en tant que commandant civil et militaire en Afrique, et dirige ainsi l'Afrique du Nord. Le pouvoir de la résistance s'amplifie. Mais De Gaulle n'est toujours pas reconnu comme le chef de la France libre par ses alliés. C'est ce que l'on peut observer les 22-23 janvier 1943 à la conférence d'Anfa qui réunit Giraud, Roosevelt et Churchill. Les Américains préfèrent Giraud à de Gaulle.. Henri Giraud, 63 ans, général 5 étoiles, représente donc les intérêts français à la place de De Gaulle aux yeux des Américains, de Gaulle étant systématiquement tenu à l'écart par les Américains. Pourtant, Giraud adhrère aux idées vichystes ! Les lois du régime de Vichy sont maintenues en Afrique du Nord ! De Gaulle est salué par la communauté juive américaine, car il a la volonté de rétablir le décret Crémieux (concernant les Juifs), alors que Giraud s'y oppose.

 

 

 

 

 

 

Au sujet de Giraud, Pétain avait écrit un jour pour le noter : « Indécis, lent, peu de personnalité. Peu travailleur, manque d'entrain, a une confiance en soi qui ne paraît pas justifiée. »

 

Roosevelt à Churchill : « Nous appellerons Giraud le marié, et je le ferai venir d'Alger. Quant à vous, vous ferez venir à Londres la mariée, et nous arrangerons un mariage forcé. » Roosevelt veut éliminer De Gaulle avec Churchill. Churchill cède à la proposition de son homologue américain, mais renonce finalement, car il mesure l'importance de la résistance.

 

De Gaulle consent à ce que Giraud puisse commander l'armée. Les intermédiaires sont le général Catroux (pour de Gaulle) et Jean Monnet pour Roosevelt (donc Giraud) qui est mandaté à Londres. Mais Giraud est incapable de rassembler les forces françaises.

 

De plus, De Gaulle a un atout décisif : l'appui de la Résistance Intérieure.

En 1943, la Résistance est en effet enracinée dans le pays, et regroupe toutes les pensées politiques, comme le Parti Communiste, à travers Fernand Grenier. De Gaulle a réussi à faire naître chez les Français la possibilité de se libérer par leurs propres efforts.

 

 

 

 

 

 

O

Pierre Laval

n assiste à un autre duel : Pétain contre Laval. Si Pétain en est le « vainqueur », cela renouvelle sa capcité à être le chef de la France, surtout face à un Pierre Laval qui prend beaucoup d'initiatives par lui-même et qui est un peu incontrôlable.

 


 


 

Le pouvoir est délégué, pour assurer les fonctions régaliennes de l'Etat. Donc les actions de Laval sont directement associées aux choix de Pétain ! Or Laval n'est pas le moins du monde apprécié auprès des Français, ce qui permet aux Français de remettre en question la légitimité qu'ils louent au maréchal. C'est une forme de désapprobation.

 

En 1943, on constate le ralentissement des déportations des juifs en 1943. Laval veut, en février 1943, s'en tenir aux Juifs étrangers. Est-ce le signe de mauvaise volonté de coopérer ? Ce ralentissement peut aussi s'expliquer par le fait que les Juifs français sont très dispersés dans le pays.

 

 

 

Mais bien que Pétain affronte d'une certaine manière Laval, et que de Gaulle défie Giraud, la confrontation reste toujours la même : Pétain contre De Gaulle.

 

 

 

 En bilan, De Gaulle parvient à rallier à sa cause les résistants et les forces alliées. Pour Leclerc le 12 mai 1943. « il n'y a qu'une seule chose qui compte, c'est la libération de la France, et pour cela il n'y a qu'un seul chef possible, le général de Gaulle. » L'existence de la Résistance donne une légitimité à celui qui la gère, d'autant plus que la Résistance en France s'est unifiée en Forces Françaises Libres (FFL) et Forces Françaises de l'Intérieur (FFI) clairement organisées. Le régime de Vichy bascule dans le doute, la peur, les incertitudes. Aux yeux des Français, le mythe d'un Vichy préparant la revanche s'effondre.

 

1La France de Vichy, Robert O. Paxton

2D'après les termes du maréchal Pétain

3Voir Annexes p. 84 - Actes constitutionnels

4Voir Annexes p. 75

5La France de Vichy, Robert O. Paxton

Roosevelt et Giraud.

Exemple d'action de la Résistance : le sabotage.

Affiche de propagande de l'Etat français

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